La période de négociation des COM (contrats d’objectifs et de moyens) est toujours propice aux tentatives de déstabilisation de l’Audiovisuel Public et aux coups bas.
Il semble que France Télévisions ait de trop bons résultats aux yeux des télés privées, qui réclament qu’on lui coupe les ailes.
Étonnamment, quand il s’agit de chercher à nous affaiblir, les ennemis d’hier, qui s’affrontent pourtant régulièrement devant les tribunaux, savent se liguer sous la même bannière, en l’occurrence celle de l’ACP (Association des Chaines Privées) qui regroupe TF1, M6, Canal+ et Altice.
On l’apprend par la presse, l’ACP vient d’envoyer des doléances par courrier à la première ministre. On vous en résume la substance : malgré leurs profits insolents, les chaines privées veulent une part toujours plus grande du gâteau publicitaire et trouvent que le groupe public piétine leurs platebandes.
Les performances de la régie publicitaire de France Télévisions sont trop bonnes ? Il faudrait interdire le parrainage voire limiter un peu plus la pub. Les audiences placent notre groupe en haut du podium ? Il faut limiter nos missions à la seule couverture de ce qui n’intéresse pas le privé, en d’autres termes, ce qui n’est pas susceptible de faire de l’audience et du chiffre d’affaires publicitaire. Vieille antienne, portée d’ailleurs par certains sénateurs LR de la vieille garde.
L’impossible équation
On connait le piège d’un service public rétréci sur les seules missions patrimoniales : il n’est plus en capacité de parler à tous les Français, de proposer des contenus dans tous les genres ; ses audiences s’effondrent et l’on questionne alors sa légitimité et son utilité publique. Un cercle très vicieux.
On l’aura compris, c’est donc bien le succès de France Télévisions qui est aujourd’hui jalousé et qu’on veut mettre à mal.
Ce succès est d’autant plus notable que l’entreprise a été essorée financièrement depuis la décision de M. Sarkozy de supprimer la pub après 20h en 2009 et qu’elle a supprimé en dix ans 15% de ses effectifs.
Mais malgré cela, on lui reprocherait de tenir les objectifs que lui a fixés l’Etat, d’optimiser ses audiences et de maximiser ses recettes publicitaires pour compenser, un peu, ce que son actionnaire unique lui retire en financements publics ?
La télé publique n’est pas un punching ball.
Une période propice au bashing
Alors que le Sénat va prochainement débattre d’une proposition de loi LR, visant à regrouper l’Audiovisuel Public sous une holding, que le ministère du budget préconise une budgétisation pure et simple de son financement et qu’un rapport parlementaire sur l’avenir de l’Audiovisuel Public doit être prochainement rendu public, l’attaque des chaines privées ne vient pas par hasard.
Elle vise à fragiliser l’entreprise dans sa négociation avec l’État, pour s’arroger les droits sportifs, le monopole de certains genres audiovisuels.
Les télés privées ont-elles également l’intention de prendre à leur charge les 500 M€ d’obligations d’investissement annuel dans la création ?
Un choix de société
Qu’on ne s’y trompe pas, c’est la liberté de création et la pluralité de l’information qui sont ici en jeu. Dans ce quarteron, le groupe Bolloré, ne l’oublions pas, a mis au pas Canal+ et transformé CNews en média d’opinion roulant pour l’extrême-droite.
Nous sommes donc face à un enjeu de société majeur : savoir si l’on veut disposer d’un service public fort et moderne, qui fasse vivre le débat public, qui délivre une information impartiale et lutte contre les infox, dont les antennes soient le reflet le plus fidèle de la diversité de la société, qui rende le sport et les grands événements accessibles à tous, qui innove et prenne des risques en matière de création.
Les télés privées en sont très loin…
La CGT ne laissera pas faire. Nous allons urgemment proposer aux autres organisations syndicales d’engager une riposte massive afin que nos activités, notre outil de travail et nos emplois ne fassent pas l’objet d’un dépeçage aussi obscène qu’injustifié.
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Paris, le 15 mai 2023 |