

« Remote prod », un pas de plus dans le low-cost
Comment tourner en extérieur, sans aller à l’extérieur ? C’est la nouvelle idée de certaines têtes pensantes de France 3.
Un rêve techno-financier
Dans certaines régions du Réseau, une nouvelle technique est actuellement expérimentée pour les émissions ou les JT produits hors les murs, sans aucun accord pour l’encadrer.
Cette « solution technique » vendue par des fabricants de matériel se répand sous le nom de Remote Production : un système utilisant un Aviwest, qui permet à un cadre technique d’envoyer 4 sources audio/vidéo d’un plateau extérieur vers une régie quelconque, sans déplacement du réalisateur ou techniciens vidéo. Y’a plus qu’à réceptionner les signaux et commuter. Plus léger, plus vite, moins cher, on comprend que certains à FTV s’empressent de tester le joujou.
La direction se frotte les mains : plus besoin de régie mobile (CCR, VPTL ou régie Fly), moins de personnel à déplacer, moins d’installation. C’est tout bénef pour la planification et le bilan ETP.
Quel bénéfice pour les salariés ?
Aucun. Car si on voit bien le gain de productivité du système, est-on vraiment prêts à assumer ce qu’on y perd ?
D’abord et avant tout la faculté pour le réalisateur ou le chargé de mise en images de faire son métier. Absent du lieu de tournage, séparé de l’équipe, déconnecté de ce qui se passe sur le plateau et ne pouvant « sentir » les choses de l’environnement de captation, il ne lui reste plus qu’à recevoir des flux et à appuyer sur des boutons. Son travail de choix d’angles et de plans à partir du terrain, son rôle de coordination et de décision sur le plateau sont empêchés au nom de la simplification technologique. Il est un architecte qui ne va plus sur le chantier, un chef absent de sa cuisine… Il fallait oser !
Sans parler de la dégradation majeure liée au temps de latence du système – près d’une seconde ! – qui affaiblit la réactivité de l’OPV face aux aléas du plateau et contribue à une forme de qualité empêchée.
Tout cela est un pas de plus dans l’appauvrissement de nos métiers, déjà fortement dépréciés par les caméras boules PTZ, les décors standardisés, les régies automatisables, le NRCS, etc. Des systèmes de plus en plus centralisés, des productions simplifiées, des pratiques dégradées voire hors-sol, des interventions humaines limitées au contrôle technique et à l’exploitation… Le peu d’artisanat qui reste continue de disparaître de nos productions. Il ne faut plus s’étonner que nos métiers à FTV souffrent de plus en plus d’un problème d’attractivité si on y ajoute l’austérité salariale.
Osons la qualité
Ce n’est pas de cette logique dystopique dont nous avons besoin pour rester à la hauteur des objectifs du service public mais de sensibilité, de créativité, de réactivité, de maîtrise des outils, d’expérience et d’expertise, de travail d’équipe, qui sont le propre des gens de terrain et non de technocrates qui persistent à croire que le facteur humain est le problème et pas la solution.
La mise en images de nos productions doit rester une fonction noble, pratiquée par des gens de métier dans des conditions dignes de nos missions, de nos capacités et de nos ambitions pour les publics. La télévision publique régionale ne peut se concevoir et se produire sans ses artisans.
En l’état, la Remote Production doit rester au placard tant qu’un accord d’expérimentation n’aura pas été mis en place afin de définir dans quelle situation elle peut être utilisée, vu l’impact qu’elle peut avoir sur nos métiers, nos emplois et le sens du travail.
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Paris, le 9 juin 2023 |