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Cela ressemble à une attaque coordonnée : le 5 septembre, l’Incorrect, un journal d’extrême-droite, publie le montage d’une vidéo tournée en caméra cachée, laissant supposer une entente entre les journalistes Patrick Cohen et Thomas Legrand avec des cadres du Parti Socialiste. Aussitôt, “l’affaire Legrand/ Cohen” occupe 94% du temps d’antenne de CNews, chaîne du groupe Bolloré au service d’un projet d’extrême-droite, avant de faire la une du JDNews, hebdomadaire du même groupe, avec un montage photo aux relents d’antisémitisme. Dès le 17 septembre, le collège de l’ARCOM auditionne les présidentes de Radio France et France Télévisions, puis décide d’entamer des travaux pour “objectiver la notion d’impartialité”, ou encore “mesurer la perception et les attentes ” vis à vis de l’audiovisuel public. Début octobre, ce sont les sénateurs qui entrent dans la danse, en entamant une série d’auditions, le sénateur LR François Bonhomme, membre de la commission culture déclarant même : “J’espère qu’on aura autre chose que la mise en cause d’un autre média”, référence à l’interview dans laquelle Delphine Ernotte avait -enfin-, qualifié CNews de chaîne d’extrême-droite. Dans la foulée, les députés UDR, le parti d’Eric Ciotti, décident d’abandonner leur douteux projet de commission d’enquête sur “le coût de l’immigration” pour demander une commission d’enquête parlementaire sur “La neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public”, alors qu’un rapport de la Cour des comptes vient de pointer une situation budgétaire catastrophique.
Un débat tronqué L’impartialité, l’objectivité, la neutralité, répondraient-elles à une nouvelle définition qui consisterait à faire micro ouvert à l'extrême-droite et aux politiques ultralibérales, tout en dénigrant les manifestations populaires comme celles issues du mouvement Bloquons Tout, ou encore des partis comme La France Insoumise ? Car c’est la ligne de CNews, et plus généralement celle des médias du groupe Bolloré, auxquels d’autres journaux emboîtent le pas, y compris parfois nos médias de service public. (voir notre communiqué sur le journal d’Ancien Régime, lien) Rappelons qu’en douze ans, l’ARCOM a pris 52 sanctions contre C8 et CNews. La chaîne “d’informations” du groupe Bolloré a notamment été condamnée pour dénigrement d’un candidat, stigmatisation des personnes immigrées, présentation de sondages faussés, diffusion de propos trompeurs sur l’IVG ou encore diffusion de fausses informations sur le changement climatique....
Pluraliste ? Impartial ? Objectif ? En tout cas, cela n’a pas empêché l’ARCOM de renouveler l’autorisation d’émettre de CNews, qui utilise désormais la fréquence qui lui est gracieusement mise à disposition par l’Etat en échange du respect d’une convention pour mener une violente campagne contre l’audiovisuel public. Une convention qui l’oblige au pluralisme des idées et des opinions, car c’est juste la loi en France, et cela concerne aussi Europe 1. Quant au budget de l’audiovisuel public, la situation catastrophique dénoncée par le rapport de la Cour des Comptes découle directement de décisions politiques, en premier lieu celle de supprimer la redevance qui permettait de développer des projets sur la base d’un financement pérenne et garanti. Un appauvrissement qui s’est déjà traduit par la disparition du JT national de France 3 ou encore de la radio Mouv’ et de France Bleu Ile de France. S’il faut encore réduire les moyens de l’audiovisuel public, quelles missions essentielles faudra-t-il encore abandonner ? Nous rappelons au passage que la plupart des médias privés bénéficient d’aides à la presse sans qu’aucun contrôle ne soit réalisé concernant leur contenu ou leurs orientations politiques, alors que les rachats de journaux par les milliardaires ont pour effet une polarisation de l’ensemble du paysage médiatique à droite et à l’extrême-droite.
Appel à la responsabilité Aux députés, sénateurs, et membres du collège de l’Arcom, nous demandons de protéger l’audiovisuel public au lieu de l’attaquer. S’il est toujours sain de s’intéresser au respect du pluralisme, et l’Audiovisuel Public n’est pas exempt de critique, encore faudrait-il que cela soit fait à tous les médias qui y sont soumis et donc de s’intéresser également aux chaînes et aux médias qui, comme CNews, sont devenus des organes de propagande et de haine, contre des idées ou des individus. A ce titre, RSF vient de saisir l’Arcom contre la chaîne « d’information » du groupe Bolloré, pour avoir au printemps dernier, alimenté une vague de haine contre trois journalistes, menacés de mort pour avoir enquêté sur l’affaire Crépol. Aux responsables politiques et aux citoyens, nous posons cette question : quel monde voulons-nous pour demain ? Celui-ci dépendra notamment de notre capacité à préserver un audiovisuel public fort, financé et indépendant. Sans cette garantie, quel contre-pouvoir journalistique s’opposera à la vision de milliardaires qui décident, sans aucun garde-fou, de travestir ou d’occulter la vérité dans les médias de masse qu’ils possèdent ? En 1964, Hannah Arendt écrivait “la liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet de débats.” Dans le crépuscule qui nous guette, cette phrase est plus que jamais d’actualité, et il faut préserver les phares comme celui que constitue encore l’audiovisuel public.
Paris, le 7 octobre 2025
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